PEQ : Des associations étudiantes demandent l’annulation de la modification du règlement sur l’immigration

Montréal, 5 juin 2020 — Des associations étudiantes de l’UQAM déplorent les changements apportés au Programme de l’expérience québécoise (PEQ) qui s’inscrivent dans une dynamique à la fois conservatrice, réactionnaire et précarisante. Elles demandent l’annulation du projet de règlement du 28 mai 2020 modifiant le PEQ.

Les syndicats étudiants considèrent que le ministre de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration, Simon Jolin-Barrette, profite honteusement de la crise de la COVID-19 pour s’attaquer aux personnes étudiantes ou travailleuses immigrantes alors que les possibilités de contestation par la société civile sont perturbées.

« Cette vision de l’immigration est utilitariste, affirme Mariama Dioum, responsable à l’éducation inclusive et aux étudiant-e-s provenant de l’international de l’Association facultaire étudiante de science politique et droit (AFESPED). On réduit notre valeur d’individu à notre simple force de travail. Pourtant, nous sommes plus que ça. »

Parce que la réforme du PEQ ne répond à aucun problème réel, qu’elle précarise le statut au Québec des étudiant-e-s de l’international et des travailleuses et travailleurs temporaires et qu’elle représente un obstacle à l’intégration de ces personnes, les associations signataires demandant que le ministre Jolin-Barrette retire son règlement et abandonne son intention de réformer le PEQ. Le Québec doit se doter des politiques conséquentes avec le respect de ses engagements envers les personnes immigrantes et la reconnaissance de leur apport unique et substantiel à la société québécoise.

Un faux problème

La restriction qu’ajoute le gouvernement, soit la période d’expérience de travail de 12 à 36 mois, semble injustifiée puisqu’elle ne répond pas à un réel problème. Il n’y a pas de crise de sous-emploi chez les personnes immigrantes ayant un diplôme québécois ou ayant une expérience d’emploi au Québec dans des domaines d’emploi spécialisés. Dès lors, en quoi ces restrictions supplémentaires à l’accès la résidence permanente vont d’une quelconque façon aider à une « meilleure intégration au marché du travail » ?

« Vouloir une meilleure intégration au marché du travail ne justifie pas des mesures prises pour limiter l’immigration, regrette Mme Dioum. Il faut voir cette politique pour ce qu’elle est : une normalisation des discriminations systémiques dans le climat toxique des discours haineux, anti-migratoires et xénophobes qui gangrènent actuellement la société québécoise. »

Rappelons que le gouvernement de la Coalition Avenir Québec (CAQ), depuis son élection en 2018, a mis de l’avant la loi sur la déréglementation de l’industrie du taxi, le projet loi 9 sur l’immigration adopté sous bâillon, le projet de loi 21 sur la « soi-disant » laïcité de l’État, le fameux « test des valeurs » et, aujourd’hui, une nouvelle modification au PEQ.

Précarisation

Les associations étudiantes craignent aussi que l’accroissement du critère d’expérience d’emploi pour être admissible au PEQ occasionne une détresse supplémentaire pour les personnes immigrantes, lesquelles devront se précipiter sur des emplois, quitte à prendre des postes avec de piètres conditions.

De même, durant la période d’expérience d’emploi, les personnes migrantes risquent d’être à la merci de leur employeur. En effet, après leur diplomation, les étudiant-e-s provenant de l’étranger auront un permis de travail post-diplôme, dont la durée dépendra du programme d’étude. Or, avec l’ajout des six mois de délai de traitement des demandes au PEQ (alors qu’avant la réforme, ce délai était de 20 jours ouvrables), plusieurs des permis de travail post-diplôme auront expirés avant l’accès à la résidence permanente. Après l’expiration, les personnes désireuses de rester au Québec devront avoir un permis de travail fermé, c’est-à-dire que la légalité de leur présence au Canada va dépendre d’un employeur unique. Rappelons qu’après l’obtention du Certificat de sélection du Québec (CSQ) grâce au PEQ, un autre délai de 18 à 24 mois peut s’ajouter avant l’attribution par le gouvernement fédéral de la résidence permanente.

Les associations étudiantes soulignent que, par cette nouvelle réforme du PEQ, le gouvernement place les diplômé-e-s provenant de l’étranger dans une situation de dépendance comparable au servage vis-à-vis de leur employeur. Elles soutiennent que, en cas de difficultés, ces personnes devront rester dociles au travail sous peine de coercition juridique, c’est-à-dire qu’elles perdront la validité de leur statut légal au Canada s’il y a démission, congédiement, licenciement ou mise à pied. Ainsi, les modifications au PEQ participent à l’institutionnalisation d’une inégalité juridique en reproduisant une catégorie de travailleurs et travailleuses plus précaires et soumis-e-s à un employeur spécifique.

Soulignons que les travailleurs et travailleuses provenant de l’étranger sont inégalement assujetti-e-s à ces mesures. Les syndicats étudiants souhaitent rappeler que cette situation de dépendance est pire pour les travailleurs et travailleuses migrant-e-s temporaires dit-e-s « peu spécialisé-e-s », comme les aides familiales résidentes et les employé-e-s agricoles. En plus d’être liées à un employeur spécifique, ces personnes n’ont pas un accès à la résidence permanente, aux mêmes avantages sociaux et économiques, à une représentation démocratique directe ainsi qu’à de la mobilité.

Manquement à sa promesse

Les associations étudiantes critiquent la trahison par le gouvernement de sa promesse concernant les droits acquis. En novembre, le gouvernement avançait qu’il y aurait un droit acquis pour toutes les personnes qui étaient sur le territoire avant le 1er novembre 2019. Ainsi, ces étudiant-e-s étaient en droit de s’attendre à pouvoir utiliser la voie rapide pour immigrer, comme le gouvernement le faisait miroiter avant leur arrivée. Or, à ce niveau, le ministre semble tout avoir annulé.

Associations signataires

Association facultaire étudiante de science politique et droit de l’UQAM (AFESPED)

Association facultaire étudiante des sciences humaines de l’UQAM (AFESH)

Association facultaire étudiante des arts de l’UQAM (AFÉA)

Association étudiante des cycles supérieurs de science politique et droit de l’UQAM (AECSSPD)

Association des étudiant-e-s en droit de l’UQAM (AED)