UQAM et COVID-19 : Un affront de l’administration envers la communauté universitaire
24 juin 2020 — Envers et contre ses propres instances démocratiques, le Conseil d’administration du 23 juin de l’Université du Québec à Montréal (UQAM) ignore plusieurs des recommandations émises par la Commission des études, lesquelles visaient un meilleur soutien académique pour la communauté universitaire pour les sessions d’été et d’automne 2020 dans le contexte de pandémie de la COVID-19.
Le Conseil d’administration a notamment refusé la reconduction de la modalité d’évaluation succès/échec pour les deux trimestres, le plafonnement de la taille des groupes-cours par rapport à celle d’avant le début de la pandémie et la compensation de la hausse de la charge de travail pour les enseignant-e-s que représentent l’adaptation et l’encadrement d’un cours en non-présentiel.
« Cela va complètement en opposition avec une approche inclusive et sensible en temps de crise », avancent diverses associations étudiantes de l’université.
Les associations étudiantes désapprouvent l’arrêt de la modalité d’évaluation succès/échec, laquelle permettait à un-e étudiant-e de choisir entre la note littérale habituelle ou la mention S/E qui n’affecte pas le rendement du dossier scolaire. Cette modalité a été mise en place pour la session d’hiver 2020 à l’UQAM. Les associations étudiantes considèrent que cette formule devrait être maintenue puisque les conditions d’enseignements, principalement virtuelles et avec un accès réduit aux diverses ressources universitaires, demeurent les mêmes pour les trimestres d’été et d’automne 2020 que pour celui d’hiver.
En outre, les associations étudiantes déplorent que l’administration, à défaut de prendre des décisions concrètes par rapport à la taille des groupes-cours ou de la hausse de la charge de travail pour les enseignant-e-s, se contente de « prendre note des recommandations de la Commission des études ».
« Dès le début, la direction s’est opposée à la volonté de la communauté universitaire », se désolent les associations de l’UQAM.
Opposition entre les instances uqamiennes
La Commission des études de l’UQAM est plus représentative de la communauté uqamienne que le Conseil d’administration.
La Commission des études, qui a pour mandat de ratifier et d’adopter les décisions d’ordre académique à l’UQAM selon la Loi sur l’Université du Québec, constitue la plus haute instance démocratique de l’université. Elle est composée paritairement de membres de la communauté universitaire : enseignant-e-s, étudiant-e-s, cadres, membres de la direction, vice-recteur-ice-s, doyen-ne-s, etc.
Le Conseil d’administration, lui, est composé de seize membres ‒ dont le quart proviennent d’entreprises privées ‒ pour seulement deux délégué-e-s du corps étudiant. Ces délégué-e-s font partie des rares membres du Conseil d’administration qui sont élu-e-s par leurs pair-e-s. Pire, une seule de ces deux déléguées est encore en poste dans le contexte actuel. Cette instance se doit de sanctionner les résolutions provenant de la Commission des études, en plus de se pencher sur tous les aspects du fonctionnement de l’université.
Culture institutionnelle de l’opacité et dérives autoritaires
Le 29 mai, les délégué-e-s étudiant-e-s à la Commission des études ont déposé deux propositions au secrétariat des instances en vue de leur adoption à la prochaine séance de la commission. Ces propositions visaient la prolongation de la modalité succès-échec pour l’été et l’automne 2020, la non-comptabilisation des trimestres d’absence pour cette période aux cycles supérieurs, un accroissement des ressources de soutien au personnel enseignant et aux étudiant-e-s ainsi qu’un encadrement des modalités d’évaluation à distance, à savoir d’exclure le recours à tout logiciel de surveillance à distance des examens et d’offrir des modalités alternatives aux examens chronométrés. L’objectif était d’atténuer les impacts négatifs des mesures de santé publique sur les étudiant-e-s, notamment l’accessibilité réduite aux ressources et aux services physiques de l’université.
En parallèle, le 1er juin, la table intersyndicale interfacultaire et intersyndicale a également organisé et tenu une rencontre avec la rectrice, Magda Fusaro, et le vice-recteur à la vie académique, Jean-Christian Pleau, pour discuter de ces revendications et proposer de collaborer sur ce dossier.
Coup de théâtre : le 4 juin, un commissaire étudiant et une déléguée étudiante au Conseil d’administration ont été rencontré-e-s par M. Pleau qui les informe que la direction déposerait finalement sa propre version des deux résolutions, lesquelles s’opposaient à la reconduction des modalités succès-échec, à la non-comptabilisation des absences, en plus de retrancher l’essentiel des autres revendications, sous prétexte que ces dernières ne relèvent pas des pouvoirs de la commission, sans réelles justifications. Les propositions dûment déposées par la partie étudiante, pour leur part, figureraient simplement en annexe de la version complètement dénaturée portée par la direction.
Lors de la séance de la Commission des études du 9 juin, les commissaires étudiant-e-s ont tout de même tenu à présenter leurs propositions initiales de mesures de soutien et d’accommodement. Malgré l’opposition de la direction, les deux propositions, après quelques amendements, sont adoptées à majorité par les commissaires, soit par les délégué-e-s enseignant-e-s, étudiant-e-s et employé-e-s, à l’exception des membres de la direction. (Ici pour consulter la première et la seconde résolution ; voir ci-dessous pour un résumé).
Le 22 juin, soit la veille de la séance du Conseil d’administration, la direction a envoyé un document sous embargo (confidentiel) aux administrateur-trice-s au sujet des modalités pour les sessions d’été et d’automne 2020 en vue de son adoption au Conseil d’administration.
Le 23 juin, la direction profite de la sous-représentation de la communauté uqamienne au Conseil d’administration et dénature complètement les recommandations de la Commission des études.
Résumé des résolutions de la Commission des études du 9 juin :
De reconduire la modalité d’évaluation succès/échec mise en place lors du trimestre d’hiver 2020 pour le trimestre d’automne 2020 en modifiant temporairement les articles suivants des règlements no 5 et 8 ;
De reconnaître la charge de travail que représente l’adaptation et l’encadrement d’un cours en non-présentiel, et la nécessité que celle-ci soit compensée
De bonifier les ressources disponibles aux enseignant-e-s pour l’adaptation exceptionnelle et temporaire des cours permettant l’enseignement en ligne et à distance
De bonifier les Services à la vie étudiante pour accompagner les étudiantes, les étudiants dans leur cheminement académique, notamment par le biais du SASESH, du soutien à l’apprentissage, du soutien psychologique, du soutien économique et du soutien aux étudiantes, étudiants de l’international ;
De plafonner la taille des groupes-cours par rapport à leur taille avant le début de la pandémie ;
De diffuser par courriel cette résolution telle qu’adoptée à l’ensemble des membres de la communauté uqamienne.
Résumé des résolutions du Conseil d’administration
MAINTIENT les dispositions normales du Règlement no 5 des études de premier cycle et du Règlement no 8 des études de cycles supérieurs concernant les modalités d’application de la notation succès-échec pour les trimestres d’été et d’automne 2020 (donc NE PERMET PLUS le recours individuel à la modalité S/É comme modalité de crise).
ADOPTE la modification temporaire de certains articles du Règlement no 8 des études de cycles supérieurs présentés au tableau des modifications joint en annexe, laquelle prendra fin lorsqu’il n’y aura plus d’étudiant-e-s dont la première inscription à un programme d’études de cycles supérieurs a été effectuée au trimestre d’automne 2020 ou avant.
PREND NOTE des recommandations de la Commission des études relatives aux conditions de travail des enseignantes, enseignants, à la taille des groupes-cours et aux budgets de soutien à l’enseignement et à l’apprentissage ;
OBSERVE que ces recommandations s’écartent du mandat de la Commission des études;
CONSTATE que certaines des préoccupations sous-jacentes à ces résolutions ont déjà été accueillies favorablement par la Direction et que d’autres font l’objet de discussions dans les instances appropriées comme les comités de relations de travail;
MANDATE la Direction pour décider des suites que celle-ci jugera approprié de donner à ces recommandations.
Associations signataires
Association facultaire de science politique et de droit de l’UQAM (AFESPED-UQAM)
Association facultaire étudiante des sciences humaines de l’UQAM (AFESH-UQAM)
Association facultaire étudiante des Arts (AFÉA-UQAM)
Comité de Soutien aux Parents étudiants de l’UQAM (CSPE-UQAM)
Association des étudiantes et étudiants en sciences de l’éducation de l’UQAM (ADEESE-UQAM)
Association étudiante du secteur des sciences de l’UQAM (AESS-UQAM)
Association facultaire étudiante des langues et communication de l’UQAM (AFELC-UQAM)